« L’agriculture a repris sa place centrale pendant la crise »
Pour Florence Désillière, vice-présidente de la commission agricole de la Région Pays de Loire, la crise sanitaire a permis de construire les fondations d’un travail collectif sur lesquels s’appuyer pour bâtir l’après-crise. Interview

>> Quel est votre regard sur la crise sanitaire actuelle ?
Florence Désillière : Nous vivons une crise sanitaire inattendue et sans précédent. Elle engendre et engendrera, ne nous voilons pas la face, une crise économique pour tous les secteurs d’activité. Aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence et nous mettons tout en œuvre pour que nos entreprises continuent d’exister. Mais c’est dès maintenant aussi que nous devons préparer l’avenir, en réfléchissant et en mettant en place de nouveaux dispositifs pour rebondir. Une chose est sûre, nous pouvons être fiers de notre Agriculture et de nos agriculteurs qui œuvrent quotidiennement pour nourrir la population. Je n’oublie pas non plus les mondes de la transformation et de la distribution qui, eux aussi, n’ont pas cessé de travailler et qui ont évité une pénurie alimentaire.
>> Que révèle cette crise concernant les liens entre les acteurs du monde agricole ?
F.D. : Depuis un certain temps, le monde agricole est sous le feu des critiques. L’agribashing et la montée en puissance des mouvements végan, animaliste, antispéciste et bien d’autres mettent à mal la profession, malgré tous les efforts que fait cette dernière pour répondre aux attentes sociétales. J’ai le sentiment que la crise sanitaire aura au moins permis aux consommateurs de comprendre l’importance d’avoir une sécurité alimentaire nationale. Le grand public redonne enfin sa confiance aux agriculteurs. Concernant le lien entre les acteurs du monde agricole, il y avait beaucoup de tensions avant l’arrivée du virus. Avec la Région, et sous l’impulsion de Lydie Bernard, présidente de la commission Agriculture Agroalimentaire, nous avons très vite organisé des réunions téléphoniques avec les différentes filières. Tous les acteurs étaient généralement présents, du producteur au distributeur, chose qui ne se faisait pas ou peu auparavant. À ces réunions, la Chambre régionale d’agriculture et l’État étaient aussi associés, car nous devons travailler collectivement pour sortir de cette crise.
>> Avec l’arrêt de la RHD et le ralentissement de marchés à l’export, certaines filières ont été fortement impactées. Quelles sont les solutions envisagée pour la suite ?
F.D. : Des politiques publiques ont été engagées sur la relocalisation de la production et l’autosuffisance alimentaire, afin de compléter les dispositifs existants. En lien avec les filières, la profession et la CRA, nous avons mis en place une nouvelle boîte à outils pour favoriser l’approvisionnement local, grâce à la plateforme « approximité.fr ». Chaque producteur peut s’inscrire pour vendre ses produits et des points de livraisons et des drives sont proposés aux consommateurs. Au niveau national et européen, nous avons relayé les demandes de certaines filières pour que le stockage des denrées puisse avoir lieu et notamment le stockage privé. Nous attendons désormais avec impatience les règlements d’intervention européens qui devraient apporter des solutions nouvelles pour le lait de chèvre, le veau de boucherie, ou encore le vin. Je tiens à rappeler que depuis le début de notre mandat, nous défendons toutes les agricultures et tous les modes de production, car nous avons besoin d’être présents sur les marchés locaux, nationaux et internationaux. Cela reste et restera notre priorité.
>> Vous parlez de l’approvisionnement local. Comment maintenir ce lien entre le consommateur et le producteur ?
F.D. : Il est vrai que nous constatons une augmentation des ventes dans les drives, sur les marchés locaux et chez les producteurs en vente directe. Il faut que cela perdure et continue à se développer après la crise, à partir du moment où cela est viable et vivable pour le producteur. Sur le plan environnemental, l’agriculture française a déjà un certain nombre de règles. Il faudra faire en sorte que l’on ne puisse pas importer des produits qui ne respectent pas nos normes. L’accord qui se négocie actuellement entre l’UE et le Mexique me paraît inconcevable. Notre mission locale, régionale et nationale est d’inciter les consommateurs à manger français. Concernant la RHD, il va falloir assouplir les codes des marchés publics qui priorisent le prix plutôt que la qualité. Nous devons tout mettre en œuvre pour changer cela afin de permettre aux collectivités de faire le choix de la production locale, régionale ou nationale pour la restauration.
>> Et du côté du consommateur ?
F.D. : Cette crise a fait prendre conscience aux consommateurs de la nécessité de la production française. J’ose espérer que cela perdurera. L’alimentation a repris sa place centrale pendant cette période de confinement, les agriculteurs doivent entretenir la confiance que les consommateurs leur ont redonnée. Les Français se sont remis à cuisiner et ont redécouvert la qualité des produits français. J’espère qu’ils garderont cet état d’esprit. La crise économique qui s’annonce impactera forcément le pouvoir d’achat de certains ménages, j’espère que cela ne remettra pas à mal cette priorité qui est l’alimentation.