Une usine de lombrics au secours du monde agricole
Deux jeunes ingénieurs normands se lancent dans la fabrication d’un biostimulant, concentré de lombricompost réalisé en bâtiment. Participants du premier Agreen start-up normand, ils ont été repérés par l’équipe IRD d’Agrial.

Alexandre Bocage et Théo Saint-Martin ont 26 et 27 ans et viennent de réceptionner les premières machines de leur future usine de lombricompost, basée à Val-de-Reuil (72), près de Rouen. Ils les ont eux-mêmes prototypées. Tous deux issus du Cesi, l’école d’ingénieurs de Mont-Saint-Aignan, ils ont été déçus par leur expérience dans l’industrie pharmaceutique. « Face à l’urgence écologique, on voulait faire quelque chose en lien avec l’industrie bio de demain », révèle Alexandre Bocage.
Élevage en bâtiment
À la fin de leurs études, les deux étudiants découvrent aux États-Unis une nouvelle forme d’élevage, en bâtiment. Le fumier est étalé sur des lignes surélevées. La température et l’humidité sont maîtrisées pour créer un milieu favorable à l’action des lombrics. « On apporte les matières organiques par-dessus et on récupère le lombricompost par-dessous », explique Alexandre Bocage. Les associés attendent une centaine de tonnes de lombricompost au bout d’un an de fonctionnement. Le « superfertilisant » contient du Npk, des oligo-éléments, des phytohormones « et toute une diversité de microorganismes bénéfiques pour les plantes comme pour le sol : bactéries, champignons, protozoaires, nématodes ». Ce lombricompost peut déjà servir à tous les jardiniers professionnels ou amateurs qui en ont besoin.
Vers le monde agricole
Mais les deux entrepreneurs ne veulent pas s’arrêter là. Ils ont nommé leur start-up Veragrow, un mot-valise contenant à la fois le nom du lombric, le verbe anglais grow qui signifie pousser et le terme agro. Ils veulent s’adresser aux agriculteurs. Ils leur destinent en particulier le liquide issu du compost, dont ils ne dévoilent pas la recette. Un biostimulant livré sous forme liquide, à pulvériser sur le sol ou en foliaire. « Il peut avoir un effet starter lors du semis, détaille Théo Saint-Martin, il protège la feuille et la plante et optimise le développement racinaire. » Son effet viserait aussi à « retrouver la vie microbienne du sol ». « La plante renforcée est plus résistante aux maladies », ajoute Alexandre Bocage. S’ils ne visent pas de remplacer les intrants chimiques, le but est de les réduire, dans l’optique du plan Ecophyto 2025, tout en permettant « de conserver les mêmes rendements ».
Levée de fonds
Lauréate du premier Agreen start-up normand (lire l’encadré), l’équipe de Veragrow a été repérée par Jean-Luc Duval, vice-président d’Agrial et membre de la commission « Prospectives » et de la division IRD. Il leur a attribué son coup de cœur, qui s’est traduit par une rencontre avec les dirigeants de la coopérative. « Nous allons tester le produit dans nos fermes grandeur nature pour vérifier son intérêt en usage réel. » Le vice-président s’intéresse à ce « biostimulant pour la vie du sol ». Si le lien direct avec la baisse de phyto lui paraît moins évident, il estime que « dans un sol bien portant, on a des plantes en bonne santé. On pourrait peut-être moins intervenir. C’est ce qu’on va tester. » Il estime que « c’est le rôle de maisons comme les nôtres d’investir dans des projets nouveaux. Il y en a parfois qui sont farfelus. Là, ce n’est pas le cas. » La start-up prépare d’ailleurs une levée de fonds de 800 000 €, pour la fin 2020.