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Tensions sur le pétrole : quels impacts sur le GNR ?

Après le gaz, après les engrais, après le blé, c’est au tour du marché du pétrole d’affoler les compteurs. En moins d’un mois, le baril est passé de 90 dollars à plus de 130. À la veille des travaux de printemps, l’inquiétude monte dans les campagnes tant sur la question des prix que sur celle des capacités à se faire livrer en GNR.

© Réussir

Si le prix des carburants était déjà à un niveau élevé, l’effet est surtout spectaculaire depuis la fin de la semaine dernière sur le gazole, qui a pris plus de 500 € aux 1 000 litres en l’espace de 5 jours. « Du jamais vu ! » selon David le Godais, responsable commercial CPO (groupe Total) pour la région. « Par le passé, quand on avait des à-coups de 20 euros sur une journée, c’était déjà beaucoup, mais là, on dépasse de très loin tous nos repères habituels... » et, a priori, personne n’est en mesure de savoir quand cela va s’arrêter.

Principalement en cause, les spéculations autour du trafic maritime gelé dans la zone de la mer Noire, et plus globalement en provenance de Russie, notamment si Moscou venait à interrompre ses livraisons, ou si un boycott des importations pétrolières russes venait à être décrété en Europe, comme viennent de le faire ce mardi 8 mars les États-Unis et la Grande-Bretagne. La situation n’est pas aisée, car selon l’Insee, 13 % du pétrole livré en France serait d’origine russe (29 % si on y ajoute les pays de l’ex-URSS, dont le Kazakhstan). À cela, il faut ajouter les difficultés particulières de fonctionnement de la raffinerie de Donges (44), 2e terminal pétrolier de France et principale porte d’entrée pour les Pays-de-la-Loire, actuellement à l’arrêt depuis plusieurs mois, pour un « grand nettoyage ». La raffinerie qui transforme habituellement le pétrole brut en gazole, essence et autre kérosène, et qui devait redémarrer à la fin du mois de mars, importe aujourd’hui directement le produit fini comme le gazole. Un cargo de gazole russe, surnommé « le cargo de la discorde » a d’ailleurs été déchargé à Donges le 28 février dernier. Mais localement, la CGT, en conflit avec la direction, menace que celui-ci « soit le dernier » et indique qu’elle « ne déchargera pas » le prochain si la situation se représentait, selon des propos rapportés par nos confrères de France Bleu Loire Océan. Une crise dans la crise, qui n’arrange rien...

L’autre élément à prendre en compte est la forte demande des clients. Sur ce point, les principaux fournisseurs de fuel et carburants sont unanimes. « Depuis le début de l’année, donc avant le conflit ukrainien, on a augmenté de 50 % nos livraisons en fuel et gazole par rapport à l’année dernière à la même époque », indique Nicolas Bouyer chez Picoty Ouest (49). Ce serait + 30 % chez CPO. Il y avait l’effet « reprise économique post-Covid ». Il faut désormais compter sur le réflexe « stock de guerre », avec le comportement de certains particuliers et professionnels qui remplissent les cuves, alors qu’ils auraient pu attendre, spéculant sur de futures pénuries ou envolées de prix encore plus importantes. Des comportements qui alimentent bien sûr à court terme l’inflation.

 

Des commandes sans prix

Dans ce contexte de grande incertitude, plus aucun fournisseur de la région ne répond à des commandes groupées, comme le proposent par exemple les FDSEA à leurs adhérents. « Il n’est plus possible à court terme de répondre à des groupements qui font parfois plus de 100 000 litres, pour des livraisons qui vont s’étaler sur une semaine ou plus, dans un contexte où on prend des hausses à 3 chiffres par jour », explique Virginie Laumonier de Bolloré Énergie. Même son de cloche chez CPO, Allium Énergie (Terrena) et Rossi Carburant. Chacun répond à ses clients habituels, individuellement, avec des perspectives de livraison au mieux à J+7 et sans prix annoncé. « On donne une tendance de prix, mais on est capable de confirmer le prix au client uniquement la veille de la livraison », commente Baptiste Charron, responsable activité distribution chez Rossi Carburant (72). À l’heure où nous écrivons, le GNR de qualité standard se situait aux alentours de 1,50 € le litre, un prix toujours à tendance haussière.

 

… et contingentées sur les volumes

Autre nouveauté de la semaine : les restrictions sur les volumes. Là encore, la quasi-totalité des grands fournisseurs de carburants agricoles de la région a adopté des règles de contingentement des volumes pour leurs clients, au moins à court terme. Chez CPO, c’est 1 000 litres par client, pas plus. Chez Allium Énergie, « on limite au volume habituellement commandé par le client » explique Jean-Philippe Priarollo. « Par exemple, si quelqu’un qui commande habituellement 2 000 litres arrive avec une commande de 5 000, on limitera à 2 000 ». Dans notre tour de piste, seul Bolloré Énergie n’avait pas encore contingenté les volumes, « mais ça peut changer du jour au lendemain selon les directives du groupe », prévient Virginie Laumonier.

Alors bien sûr, au vu de ces éléments, se pose naturellement la question de savoir si un risque de pénurie existe sur le gazole, et donc sur le GNR. Sur ce point, Picoty Ouest et Allium Énergie se veulent rassurants : « il y a du volume disponible en GNR », assure Jean-Philippe Priarollo. Rossi et CPO se montrent plus prudents, mais appellent « à ne pas céder à la panique qui n’aura pour effet que d’amplifier le phénomène ». À ce stade, le Gouvernement n’a d’ailleurs pas annoncé l’ouverture des stocks stratégiques.

 

La FDSEA 53 a alerté le préfet de Mayenne
Depuis la semaine dernière, de nombreux agriculteurs mayennais sont confrontés à des difficultés d’approvisionnement en fioul et en GNR. Au-delà du prix qui atteint des sommets, c’est la disponibilité qui est aujourd’hui la problématique. La plupart des opérateurs ne répondent d'ailleurs plus aux appels d’offre lancés par la FDSEA 53 dans le cadre de ses groupements d’achat. Cette semaine, la FDSEA 53 a réussi à passer un accord avec le groupe Bolloré pour permettre à une quinzaine d'agriculteurs d’avoir des possibilités de livraison. Il n’est guère certain que cela puisse tenir encore sur les prochaines semaines... Ces décisions sont particulièrement brutales et suscitent incompréhension et inquiétude. C'est pourquoi, la FDSEA 53 a a alerté le préfet en rappelant que GNR et fioul sont indispensables à la continuité de l’activité agricole. A la veille de la reprise des travaux, des difficultés d’accès à ces énergies seraient de nature à perturber la conduite des travaux et à compromettre une partie non négligeable des productions végétale et animale. Après les activités prioritaires que sont notamment la santé, les secours, les forces de l’ordre… l’agriculture reste une activité essentielle pour la Nation, a-t-il été également rappelé par le syndicat agricole.
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