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Prix du porc : « Arrêtez de nous prendre pour des jambons ! »

Alors que les cochons partent bien et que la demande interne se poursuit, les éleveurs de porcs subissent encore des baisses de prix incompréhensibles. Entretien avec Jean-Bernard Adam, responsable de la section porcine de la Fdsea de la Mayenne.

Jean-Bernard Adam, responsable de la section porcine de la Fdsea de la Mayenne.
Jean-Bernard Adam, responsable de la section porcine de la Fdsea de la Mayenne.
© Agri53

Le prix du porc au MPB est descendu à 1,421 € lundi 4 mai et à 1,390 € mercredi 6 mai. Où en sont les écarts avec les pays voisins ?

Jean-Bernard Adam : Le prix payé aux éleveurs de porcs est déconnecté de celui de nos voisins européens. La semaine dernière, selon le MPB de Plérin, il était à 1,70 € en Allemagne et 1,73 au Danemark. Globalement, nous avons toujours un écart d’environ 15 centimes avec l’Allemagne et proche de 30 centimes avec le Danemark.

 

Une des explications avancées par le MPB tient aux jours fériés et à la succession de semaines de 4 jours… Quelle est votre réaction ?

J.-B.A. : Ce qui n’est pas vendu en restauration hors foyer est quand même vendu en viande fraîche. Il y a du transfert de fait. Alors il faut arrêter de nous balader un peu avec ce genre d’explication. Il ne faut pas nous prendre pour des jambons… Les baisses sur le marché français ne sont pas justifiées. C’est du grand n’importe quoi.

 

Le confinement n’est donc pas un facteur de diminution de la demande ?

J.-B.A. : Le marché est stable, les consommateurs français mangent autant de viande de porc. Et nous, éleveurs, nous continuons de travailler pour nourrir la population. Nous n’avons pas de rupture d’aliments, nos cochons partent.

 

Cette baisse des cours est donc liée à l’aval de la production ?

J.-B.A. : Oui, et c’est ce que nous dénonçons dans l’attitude des abattoirs, coopératifs comme privés. Ce sont des entreprises qui jouent la marge à fond et qui raisonnent à court terme. Comme si elles étaient incapables d’avoir une vision à long terme. Si on ne récupère pas de l’argent aujourd’hui, alors que la demande interne est là et que la production suit, il y aura une baisse importante de la production quand les éleveurs qui ont entre 50 et 60 ans vont partir à la retraite. Il n’y aura pas assez de candidats pour reprendre les ateliers…

 

Cette vision courte, à quoi est-elle liée ?

J.-B.A. : Comme des abattoirs ont fait faillite, ceux qui restent sont privilégiés. Ils n’ont pas perdu en volume en récupérant pour partie les volumes des abattoirs qui ont fermé. Comme ils travaillent essentiellement pour le marché intérieur et ne vont pas chercher de marchés à l’export, les volumes leur conviennent. Aussi, entre les deux principaux acteurs, il n’y a pas réellement de concurrence. La situation les arrange. On ne peut pas parler d’entente, mais sur la façon de faire, ils s’entendent.

 

Que voulez-vous dire ?

J.-B.A. : Le principal abatteur privé est sous pression de la grande distribution. Par conséquent, il met la pression sur les prix payés aux producteurs. C’est une situation qui arrange aussi le principal abatteur coopératif... qui n’est pas dans une logique de hausse des prix payés aux producteurs. Pourquoi payerait-il le cochon plus cher que son concurrent ? Alors que cet abatteur coopératif est un acteur majeur dans le jambon. On sait qu’il y a eu une hausse de la demande de jambon. Pourquoi cette hausse ne se répercute-t-elle pas sur les prix ? Ce sont deux politiques différentes, mais avec les mêmes actions sur les prix payés aux producteurs. Il y a aussi, sur le marché des abatteurs, Lerclerc avec Kermené et Intermarché. Tous les deux depuis le début de l’année jouent la baisse des prix payés aux éleveurs, tout en augmentant, depuis le confinement, les tarifs au niveau des consommateurs. Ils s’accommodent également des cours que l’on a actuellement. Avec un double discours : ils disent qu’ils défendent la production française, sans pour autant donner un peu plus aux producteurs.

 

Un autre élément de réponse sur la baisse des prix tient à l’export. Que représente l’exportation de porcs français pour les abatteurs ?

J.-B.A. : Globalement, si on fait la moyenne, c’est entre 10 et 15 % de la production française qui est exportée. Avec des écarts selon les acteurs : Cooperl est à 30 %, mais Kermené - Leclerc et Intermarché n’exportent pas. Et puis, il faut se rappeler qu’une partie de l’export permet une valorisation de pièces qui ne valent rien chez nous. Comme les oreilles, les pattes, les queues qui sont valorisées à l’export pour la Chine à des prix quasi équivalents au jambon chez nous ! Cela contribue à l’équilibre carcasse…

Quant au marché international, il est un peu perturbé en ce moment en raison du Covid, du transport, de la consommation… Aux États-Unis, après une baisse à 87 centimes/kg et des porcs qui ne partaient plus, les cours se sont un peu relevés, mais l’activité a chuté de 35 %. Cela pèse sur le marché international sur lequel la Chine met aussi de tout son poids pour obtenir des prix bas.

 

Cela ne laisse présager rien de bon pour l’avenir…

J.-B.A. : Autour de nous, des pays raisonnent « collectif » pour le développement global de leur économie, quand d’autres tirent à boulets rouges sur leurs forces vives en délocalisant à outrance. Ne délocalisons pas la production française de porcs. Regardons ce qui a été fait avec les médicaments, les masques, les gels hydroalcooliques…

 

Un mot sur les avancées en matière d’étiquetage…

J.-B.A. : Le Sénat a voté, début mars, en faveur de la proposition de loi sur la transparence et l’étiquetage des produits alimentaires. Au Sénat, le ministre Didier Guillaume a indiqué avoir obtenu un accord de principe de la Commission européenne pour qu’avant l’été, la mention de l’origine des viandes de porc, d’ovin et de volaille soit rendue obligatoire, comme pour la viande bovine. Cette mesure va dans le sens de nos revendications syndicales. Nous attendons maintenant le vote définitif de cette proposition par l’Assemblée nationale…

Querelle de chiffres sur le prix du porc

« Il est clairement identifié que les éleveurs français sont payés moins que les éleveurs allemands et espagnols depuis plus de 15 ans en moyenne », déplore la Fédération nationale porcine (FNP) dans un long communiqué.

Pour les quatre premiers mois de l’année 2020, sur les bases de la cotation du MPB (marché porc breton), les prix payés aux éleveurs ont été de 1,69 €/kg en moyenne en France, 1,836 €/kg en Espagne, 1,894 €/kg en Allemagne et 2,006 €/kg au Danemark. Soit sur la base ce ces prix, un manque à gagner annuel pour un éleveur français est de 22 672 € par rapport à un Espagnol, 31 724 € par rapport à un Allemand et 49 153 € pour un Danois en prenant un élevage type de 5 000 porcs par an à 95 kg de carcasse. Soit 34 516 € en moins en moyenne par rapport aux principaux bassins européens de production !

La FNP dénonce aussi « la mauvaise performance des entreprises françaises à l’export ». En janvier 2020 par exemple, nos exportations vers les pays tiers ont régressé de 3 % quand les autres pays de l’UE voyaient les leurs progresser de 23 %.

M.R.

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