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Lactalis
« Le Nutriscore doit prendre en compte la portion »

Étiquetage de l’origine du lait sur les produits alimentaires, état de la production de lait bio en France, hausse des prix payés aux producteurs ou encore Nutriscore… l’actualité est riche pour le Groupe Lactalis en ce premier semestre 2021. Le point avec Jean-Marc Bernier, directeur général France du groupe.
 

Jean-Marc Bernier, directeur général France du Groupe Lactalis.
© VG-Agri53

Lactalis a été pointée du doigt sur sa volonté de ne plus indiquer l’étiquetage des origines des produits laitiers. Pourquoi ?

Notre position a suscité beaucoup de commentaires négatifs, mais a été mal comprise. La priorité du groupe a toujours été d’être attentif à la totalité de la filière française. Dans cette filière française, près de 50 % du lait est exporté. C’est considérable. En 2016, nous avons alerté les autorités sur les risques de ce décret sur nos capacités d’exportation. Notre crainte était justifiée puisque nous constatons dans certains pays une nette dégradation de nos exportations.

 

Comment expliquez-vous ce constat ?

C’est simple, de nombreux pays européens ont adopté le même principe et ont mis en avant la vente des produits locaux, au détriment des produits d’importation, et notamment des produits français qui sont fortement exportés en Europe et dans le monde entier. Les marchés des produits laitiers sont des marchés matures partout en Europe. Quand vous consommez plus de produits locaux, c’est souvent au détriment des produits d’importation. Cela ne signifie pas que nous sommes contre la transparence pour les consommateurs.

 

Quelle est la part du lait français dans les produits Lactalis élaborés en France ?

En France, 99,4 % de nos produits sont élaborés avec du lait français et portent l’origine France. C’est donc faux de dire que nous fabriquons nos produits avec du lait étranger moins cher. Cela arrive de façon occasionnelle sur quelques produits lorsque l’on manque de crème par exemple et dans ce cas notre étiquetage est conforme en mentionnant origine UE. Encore une fois seul 0,6 % de nos volumes est concerné. Nous sommes en soutien du lait français.

 

Emmanuel Besnier a annoncé une augmentation du prix du lait payé aux producteurs. Les voyants sont-ils tous bien au vert ?

On s’attend effectivement à une hausse significative du prix du lait en 2021. Dans le calcul du prix du lait, il y a trois composantes. Le premier, c’est le prix PGC (produits de grande consommation). Sur cet élément, nous sommes la première des grandes entreprises laitières à avoir tenu compte des coûts de production dans le calcul du prix du lait, au démarrage d’Egalim, il y a 3 ans maintenant. Cette année encore, nous avons intégré la hausse des coûts de production dans le calcul du prix du lait. Deuxième critère : c’est le prix du lait allemand qui augmente aussi. Troisième critère, c’est l’équivalent beurre-poudre qui, lui aussi, augmente. Ces 3 critères sont donc tous en augmentation et vont contribuer à une revalorisation significative du prix du lait en 2021.

 

Quelle perspective pouvez-vous donner aux producteurs ?

C’est difficile de donner un chiffre, car cela dépendra de l’évolution des cours au mois le mois sur l’export et les cotations Beurre Poudre. Sur le critère PCG, nous avons déjà négocié la hausse avec nos producteurs. Lactalis ne définit pas le prix du lait. Celui-ci est soumis aux variations des cours mondiaux.

 

Pour autant, vous n’êtes pas considérés comme les mieux-disants…

Depuis 3 ans nous payons le lait plus cher que nos concurrents qui ont un mix identique. Un fabricant qui ne vend que des produits à la grande consommation n’a pas la même valorisation qu’un autre qui est soumis aux marchés de produits industriels ou à l’export. Il faut se comparer à mix identique.

 

La loi Egalim est en cours d’évolution. Qu’en pensez-vous ?

L’objectif d’Egalim 1 était d’améliorer les revenus des producteurs. Lactalis a joué le jeu en tenant compte des coûts de production. Les deux premières années se sont avérées positives et cette année, nous avons eu beaucoup plus de difficulté à transférer ces hausses à nos clients.
Nous ne sommes pas opposés à une évolution de la loi, mais il faut considérer la filière en totalité et ne pas la limiter à l’amont (la production et la transformation), sans considérer nos clients et les consommateurs. Le projet de loi Egalim 2 doit évoluer en ce sens. On estime tout ce qui est hors production agricole, et qui parfois pèse lourd, notamment les emballages et les énergies qui doivent être intégrés. Par exemple, l’emballage sur certains produits peut représenter une part non négligeable des coûts. C’est donc important de tenir compte de la totalité des coûts de production.

 

Quel est votre point de vue sur les contrats tripartites préconisés par Serge Papin ?

Certains contrats tripartites existent déjà. Nous n’y sommes pas opposés, car nous en signons déjà certains.

 

Quel est l’avenir de la production laitière en France, dans un contexte où le nombre de producteurs a tendance à baisser ?

La production française est excédentaire. Il faut donc soutenir le marché local, mais aussi conserver notre compétitivité pour l’export. C’est primordial. Le marché est mature et certaines catégories sont en forte baisse depuis 10 ans comme le lait par exemple qui a perdu 25 % de son volume. Le soutien de la filière passe donc par le soutien de la consommation et mieux expliquer aux consommateurs les bienfaits du lait. Sans oublier l’innovation pour attirer de nouveaux consommateurs. L’évolution de la filière passe aussi par la transition écologique dont on parle beaucoup. Important, mais cela a un coût qu’il faut être capable de financer et répercuter aux consommateurs.

 

Lactalis poursuit son développement à l’étranger. Est-ce une bonne nouvelle pour les producteurs français ?

Le développement de Lactalis au niveau mondial est une très bonne nouvelle pour les producteurs français, car elle donne plus de débouchés aux producteurs. Quand on se développe dans un pays, nous essayons de vendre plus de produits français avec l’aide de notre réseau de vente local. Lactalis est très attachée au territoire dans tous les pays. En France par exemple, nous avons 66 laiteries/fromageries, toutes dans des zones rurales. Nous sommes par ailleurs très attachés aux AOP. On en fabrique 28 en France sur nos 38 en Europe et nous essayons de les exporter partout. La grande force du groupe, c’est cette diversité qui bénéficie aux producteurs. Nous sommes l’une des rares entreprises dans le monde à produire toutes les catégories de la filière : lait, beurre, crème, fromages, yaourts, ingrédients.

 

On entend dire que la demande de lait bio se tasse… Quelle est la stratégie de Lactalis sur le bio ?

Lactalis a été le premier à faire la collecte du lait bio de manière significative dès 1993. Lactel est devenu le leader du lait bio. C’est un marché de 270 millions de litres de lait, soit 12 % des volumes et 15 % en valeur. La conversion au lait bio a un coût. Nous travaillons en toute transparence avec nos producteurs sur l’évolution du marché et respectons nos engagements. Le bio était en forte progression depuis quelques années, mais nous constatons cette année un net ralentissement. Après une année à + 5 % en 2020, la quasi-totalité des marchés des produits laitiers bio est en baisse depuis début 2021. Une des explications est le fort développement des produits locaux. Le consommateur aujourd’hui, quand il achète local, est rassuré sur la qualité du lait. Il a peut-être moins besoin de se tourner vers un produit biologique. Beaucoup d’acteurs se sont engagés fortement vers le bio. De nombreux producteurs se sont convertis et il y a un risque de surcapacité de production de lait bio et donc de dumping prix pour pouvoir écouler la production. La dévalorisation du marché est proche de nous.

 

Et le sans OGM ?

Ce marché est beaucoup plus restreint. Il y a quelques intervenants, mais globalement moins d’engouement que le Bio. Le lait fait en France sans OGM est surtout à destination du marché allemand et aussi pour les MDD. Comme sur le Bio, il faut être dans une démarche responsable, à savoir être capable de valoriser ce lait à son juste prix et calibrer la production laitière en fonction de la demande des consommateurs. On suit cela au mois le mois pour être très attentifs vis-à-vis de nos producteurs. On travaille avec eux en toute transparence.

 

Des produits végétaux arrivent sur le marché et aspirent à remplacer les produits laitiers. Quel est le positionnement de Lactalis sur ce nouveau marché ?

Beaucoup d’intervenants y investissent massivement. Ce n’est pas notre cas. Lactalis est avant tout un groupe laitier et on continue à croire, avant tout, et plus que tout, aux produits laitiers. On considère que, par rapport au végétal, nos produits sont meilleurs et sont plus sains. Le végétal, pour nous, ne peut être qu’un investissement opportuniste. S’il y a quelques opportunités sur le végétal, on les étudie, mais ce n’est pas prioritaire. Il faut aussi être vigilants et ne pas tromper le consommateur avec un discours « lait végétal », qui n’est pas toujours « lait ». Ce sont surtout des boissons végétales. Nous souhaitons avant tout défendre la production laitière et les produits laitiers. C’est un axe fort vis-à-vis de l’amont et de nos producteurs.

 

Un mot sur l’achat de Leerdammer à Bel…

Leerdammer, c’est une catégorie de produits sur laquelle nous étions peu présents en France et en Europe. C’est une très belle marque, forte en Europe, et qui a encore un fort potentiel de développement dans le Monde. Une belle pépite pour le portefeuille de marques de Lactalis. Les deux partenaires y retrouvent leur compte. On a converti un actif financier en actif industriel. Bel, pour son développement stratégique, était favorable à cette vente. C’est arrivé au bon moment pour les deux partenaires.

 

La Fondation Lactel, c’est quoi ? Quels sont ses objectifs ?

Un enfant sur quatre ne prend pas de petit-déjeuner. C’est le constat fait à la Fondation Lactel. C’est un vrai changement et cela explique en partie la baisse de consommation du lait en France. L’idée de la Fondation est : « aidons les familles à reprendre les bonnes habitudes alimentaires ». Cette fondation a pour objet de promouvoir la consommation des produits laitiers, et donc du lait. Nous organisons de nombreux événements autour du petit-déjeuner dans les écoles, des ateliers culinaires et diététiques auprès des familles pour ré-expliquer le rôle du lait dans l’équilibre alimentaire. Le lait est un aliment sain. On essaye de sensibiliser les jeunes, qui sont nos futurs consommateurs, à la consommation du lait.

 

C’est pourtant le rôle du CNIEL que d’expliquer tous les bienfaits du lait ?

Oui, mais il nous semblait important d’avoir, nous aussi, ce rôle, car c’est hautement stratégique pour l’avenir de la filière. Lactel est la marque leader en France, on estime que c’est notre rôle de faire ce genre d’actions. C’est important de soutenir les produits laitiers en France et ailleurs, de parler positivement de l’ingrédient lait.

 

Où en est le centre de formation Lactalis ?

Cela avance. Les premiers alternants seront accueillis début 2022. L’objectif est de former les jeunes aux métiers du lait de demain. Plus globalement, on embauche 1 000 alternants par an en France sur 15 000 salariés. Cela va de la collecte à la production laitière, à la logistique, à la vente… Tous les métiers de la filière. Nous préparons l’avenir du groupe et de la filière.

 

Le Nutriscore est arrivé sur les emballages. Est-ce une bonne ou une mauvaise indication pour les produits laitiers ?

Nous sommes favorables à l’information du consommateur, mais à la juste information. Nous sommes, à ce jour*, opposés au Nutriscore tel qu’il est conçu. C’est dangereux pour les produits laitiers, car Nutriscore ne tient pas compte d’un élément très important : la portion. Dans le Nutriscore, tout est calculé sur 100 grammes. Quand vous mangez du beurre au cours d’un repas, vous ne mangez pas près de la moitié d’une plaquette de 250 grammes ou encore près de la moitié d’un camembert. Une grande majorité de nos produits laitiers ressortent donc systématiquement en rouge, car calculés sur 100 g. La crème fraîche, même problème… Le risque est donc une baisse de la consommation des produits laitiers et donc de la production laitière. Il faut donc traiter ce problème de la portion. Même problème sur nos AOP, c’est un vrai risque pour le patrimoine fromager français. Lactalis n’est pas décideuse sur le sujet, mais alerte les autorités sur les risques pour la filière.

 

* Entretien réalisé le mardi 25 mai 2021.

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