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Abad Chabbi, directeur de recherche à l’Inrae : « Séquestrer le carbone dans les sols : option gagnante pour tous »

© Inrae

En quelques mots, qu’est-ce que le cycle du carbone ?

Abad Chabbi : Tous les êtres vivants sont constitués d’atomes de carbone. Ces atomes sont extraits du CO2 atmosphérique par les plantes, les algues et certaines bactéries via la photosynthèse. Le CO2 est restitué à l’atmosphère par la respiration et la décomposition de ces êtres vivants. À côté de ce cycle biologique court, il existe un cycle géologique lent de stockage du carbone sous forme de calcaire et d’hydrocarbures fossiles. La combustion de ressources fossiles conduit à une accumulation rapide du CO2 dans l’atmosphère. Les émissions de carbone, mais aussi d’autres gaz à effet de serre comme le méthane, le protoxyde d’azote ou la vapeur d’eau empêchent une partie des rayonnements à ondes longues de quitter l’atmosphère. C’est ce qui explique le réchauffement climatique.

Comment fonctionne le piégeage du carbone ?

A.C. : Pour réduire l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, on peut s’appuyer sur des technologies intelligentes. Le problème, c’est que ces technologies qui coûtent cher se trouvent encore à un stade embryonnaire et ne permettent pas d’agir à grande échelle. La meilleure option pour piéger et stocker le carbone, c’est donc bel et bien par le sol. Pour stocker du carbone, il faut créer de la matière organique par la constitution d’un système favorable à l’implantation de la végétation. La séquestration du carbone dans les sols est une option gagnante pour tous. Elle permet à l’humanité de gagner du temps jusqu’à ce que les sources de carburant neutres en carbone remplacent les sources fossiles.

Quelle est la stratégie de la France et de l’Union européenne en matière de piégeage du carbone ?

A.C. : Les stratégies française et européenne s’inscrivent dans les Accords de Paris de 2015 qui visent à contenir à moins de 2 °C l’augmentation des températures d’ici 2100. C’est dans le cadre de cette Cop 21 qu’a été présentée l’initiative 4 pour 1 000 qui définit les objectifs mondiaux en matière de piégeage du carbone. Le concept est simple : le fait d’augmenter le stock annuel de carbone dans les terres arables de 0,4 % (soit 4 pour 1 000) dans les 40 premiers centimètres du sol permettrait de compenser l’augmentation des émissions annuelles de carbone causées par l’activité humaine. L’objectif est donc de promouvoir un stockage accru du carbone dans les sols grâce à des pratiques agricoles durables.

Quel rôle peuvent jouer l’agriculture et l’agroforesterie dans le piégeage du carbone ?

A.C. : Le potentiel de stockage additionnel de carbone dans les sols agricoles et forestiers français entre 0 et 30 cm est estimé à 5,78 millions de tonnes de carbone par an. Si on raisonne sur la totalité de la profondeur du sol, on atteint même 8,43 millions de tonnes de carbone par an. Exprimé en CO2 équivalent, cela représente environ 30 millions de tonnes de CO2 que l’on pourrait séquestrer dans les sols par la mise en œuvre de pratiques stockantes. Traduite dans la logique 4 pour 1 000, la mise en œuvre de ces pratiques agricoles stockantes représente 1,9 pour 1 000 par an. Pour ce qui est des surfaces agricoles seules (grandes cultures et prairies), on est autour de 3,3 pour 1 000 par an et si on restreint encore aux grandes cultures, c’est 5,2 pour 1000. C’est la preuve que le potentiel de stockage additionnel se trouve principalement dans les systèmes de grandes cultures. On sait aujourd’hui que le stockage additionnel de carbone peut permettre de compenser 40 % des émissions agricoles. De nombreuses techniques doivent pour cela être remises au goût du jour comme la rotation des prairies, la diversification des paysages, la réduction du travail des sols, l’implantation de couverts végétaux et de haies, la gestion des prairies ou encore la réduction des intrants.

Quels sont les leviers politiques et économiques pour développer le marché du carbone ?

A.C. : D’après nos études, les nouvelles pratiques stockantes génèrent pour l’agriculteur un coût additionnel de 180 à 473 €/t de carbone par an. Le problème c’est que, dans le même temps, le prix actuel du carbone est de 25 €/t de CO2 équivalent. Pour relever ce défi, il faudra disposer d’une gouvernance plus forte pour créer un système d’incitation et stimuler les pratiques stockantes à l’échelle européenne. Les choses avancent à leur rythme. Il y a encore 5 ou 10 ans, on ne parlait même pas de gestion des sols. La crise de la Covid-19 a généré une prise de conscience sur la consommation de produits locaux et la nécessité de produire mieux. Cette crise est une opportunité pour construire un système durable et ainsi contribuer à l’atténuation du changement climatique.

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