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Un Space sans public, mais pas sans lendemain

Le Space 2020 a bel et bien eu lieu. Il ne restera pas dans les annales, comme si décidément cette édition et surtout son contexte étaient rapidement à oublier.

© JD - Terra

Pendant une semaine, les organisateurs se sont démultipliés pour « ne pas perdre le fil, le contact avec les éleveurs », maintenir ce lien si tenu soit-il. Mais un Space sans la bousculade, la chaleur de la foule des grands jours, la convivialité, la sciure verte du grand ring, les concours... donne surtout envie de se projeter sur demain ou l’année prochaine. Ce que n’ont pas manqué de faire les responsables professionnels lors de la journée de mercredi, une journée au cours de laquelle les filières agricoles ont voulu remercier toutes les femmes et les hommes « de l’ombre », qui ont poursuivi leur travail pendant la crise de la Covid, une journée à laquelle participait le ministre de l’Agriculture.

Au regard du contexte sanitaire général, chacun se dit que finalement la décision de ne pas faire d’édition physique cette année s’imposait comme une évidence. Mais refaire l’histoire après coup est évidemment beaucoup plus facile ! Imaginer en quelques semaines une autre forme à un salon comme le Space était par contre un tour de force, une gageure. C’est pourtant le défi qu’ont essayé de relever les organisateurs du Space, refusant une année totalement blanche. Ils l’ont voulu d’autant plus que les entreprises ont continué à travailler pour proposer des innovations, que les techniques et la recherche ont continué d’évoluer, et que l’actualité de cette rentrée est restée dense après l’intense phase du confinement.

Informer et former

Pendant les quatre jours du Space, plus de 80 conférences en visio ont été organisées permettant de reporter sur internet la plupart des conférences qui se tiennent habituellement pendant la semaine du salon. Il s’agissait de poursuivre l’information, voire la formation, sur des sujets très divers sur l’évolution de la recherche et des techniques, agricole et commerciale. Ces conférences ont eu un succès variable, mais ont permis à nombre d’entreprises d’établir ou de garder le contact avec leurs clients ou prospects.

La recherche a aussi été mise en avant au travers du maintien de la 25e édition des Innov'Space et les outils numériques ont aussi été mis à profit pour développer sur internet des podcasts, des rencontres virtuelles par vidéos avec des éleveurs, et suivre les temps forts de ce Space particulier. La vente génomique a aussi été organisée sur un mode totalement numérique. Il restera à voir lors des éditons suivantes lesquelles de ces innovations s’imposent et se pérennisent.

« Les filières agricoles ont tenu, mais à quel prix ? »

Parmi les temps forts mercredi après-midi, les agriculteurs et l’ensemble des filières agroalimentaires avaient souhaité prendre un temps pour faire un bilan de ce confinement et de la crise qu’il a généré. Les différents témoignages des agriculteurs, mais aussi des responsables d’entreprises vont dans le même sens. Chacun témoigne des ruptures de stock, des difficultés d’approvisionnement, de la logistique, des fermetures de marchés, ou de la nécessité de réorganiser dans des conditions quelquefois acrobatiques les produits et les marchés. Un agriculteur témoigne : « Personne ne s’est posé la question d’aller au travail ou pas. Chacun a poursuivi son travail. On ne croisait personne sur les routes, on se serait cru un dimanche, personne, personne ! » Un salarié de l’agro équipement ajoute : « Les machines continuaient a tourné... et nous aussi ! »

« Autour de nous, ça tanguait »

 

André Sergent, président de la Chambre d’agriculture de Bretagne le rappelle : « autour de nous, ça tanguait ». Mais très vite chacun veut profiter de la présence du ministre pour provoquer le débat. Mickael Trichet, pour la Frsea des Pays de la Loire, se souvient du développement des circuits courts, « oui, mais 75 % des denrées alimentaires sont passées par la grande distribution ». Il ajoute : « J’ai eu un grand frisson en entendant le président de la République tenir son discours, sur l’autonomie, et parler d’agriculture. Après, je me suis dit on va remettre l’agriculture au milieu du village, revenir au fondamentaux ? » Mais manifestement, il reste sur sa faim.

Après sera-t-il mieux qu’avant ?

Arnaud Degoulet, président d’Agrial, le souligne : « les tendances d’avant se poursuivent après ! » Même si, dans certaines filières, on est loin d’être revenu au niveau précédent. « La grande distribution a été la grande gagnante ». On a délaissé les produits à plus forte valeur ajoutée, et il s’interroge de « savoir demain à quel niveau d’équilibre se retrouveront marques distributeurs et marques nationales ».

Gilles Huttepain, PDG du groupe éponyme, va dans le même sens : « En GMS, on est revenu exactement comme avant, un poulet sur deux est importé, dans certaines filières les vides sanitaires sont extrêmement importants ».

André Sergent souligne que « les évolutions positives observées pendant le confinement se sont délitées rapidement ». Il exprime sa crainte que demain « le consommateur parle du prix et encore plus du prix. Vers où va-t-on orienter l’agriculture ? »

Marcel Denieul, président du Space, insiste, de son côté, sur la montée de l’insécurité alimentaire en France. Le ministre concède « sur les négociations commerciales, nous n’avons pas vraiment atteint notre but. L’économie est un rapport de force, la loi a permis de faire bouger l’état d’esprit », mais pas encore d’obtenir des résultats concrets.

RIP et agribashing

Au rang des éléments que les agriculteurs pensaient révolus, il y avait probablement l’agribashing et les attaques dont fait l’objet le monde agricole. Or, force est de constater que les attaques en règle reviennent et en particulier celles liées au RIP, référendum d’initiative partagée sur les animaux. Gilles Huttepain indique que « le temps agricole n’est pas le temps des médias ». Le ministre prend rapidement la parole et il indique que « toute transition a un coût », et souligne la contradiction du consommateur qui « demande plus, mais ne veut pas payer plus ». Et d’ajouter : « Je respecte le processus démocratique du RIP, mais ce n’est pas le bon véhicule.  Si on ne met aucune poule en cage, ce sont 85 millions de poules qui se retrouvent dans les champs ! On sait que certains riverains ont porté en justice le cri du coq ! » Il appelle à ne pas s’enfermer dans une position défensive dans le débat, « ne pas restez focalisés dans un débat urbains/ruraux ».

La ferme France dévisse

Arnaud Degoulet, président d’Agrial, rappelle pendant ce temps la « ferme France dévisse, l’agro alimentaire a divisé par deux ses exportations en quelques années, en 2023 nous importerons plus en valeur que ce que nous exportons ». Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne souligne l’importance de l’élevage, « il faut expliquer et assumer. Reprendre la main sur le débat politique. La végétalisation de la Bretagne est un sujet. La Bretagne est passée de 6 millions de m2 de poulaillers à 3. Les autres sont partis en Ukraine. À chaque fois qu’un élevage disparaît, on augmente les importations ». Il souligne enfin : « Ne gâchons pas ce patrimoine pour un ailleurs qui ne serait pas meilleur ».

Denormandie : souveraineté et sortir de la dépendance

Pour une première sortie dans un salon agricole, le ministre de l’Agriculture a fait forte impression, montrant d’une part qu’il maîtrisait ses sujets, et que d’autre part il avait quelques convictions fortes. « Vous nous aurez à vos côtés si vous tenez ce discours », a même déclaré Gilles Huttepain !

Relevé de quelques citations pendant le débat :

– Le ministre souhaite « donner un boost à nos éleveurs, nos agriculteurs, et sortir de nos dépendances ». Deux mots clefs dans son discours « la souveraineté et la dépendance ».

– Pour lui le plan de relance et une « occasion de relever les défis de l’agriculture ».

– Sa priorité : « développer les produits frais français ».

– Dans le débat entre agriculture de proximité, et exportation, il choisit « les deux parce qu’il faut faire à la fois de l’export et de l’importation ».

- « Notre agriculture est probablement la meilleure au monde. Ces transitions que nous avons engagées, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Dans la Pac, l’agro écologie doit avoir une place importante, mais obligatoire pour tout le monde. Les conditions environnementales doivent être obligatoires, le volet environnemental des accords internationaux doit être pris en compte ».

« Il faut avancer des idées simples ». « L’agriculture c’est la santé humaine, c’est notre première médecine ».

« Le sens du plan de relance créer une France plus forte et transformer la crise en opportunité ». « Une France forte n’existe pas sans agriculture forte ».

- « En politique le plus important c’est la cohérence !

- Nous souffrons d’un manque d’une vision claire et de long terme ».

– « Nous devons prendre en compte les demandes de la société, ne pas être sur un rôle défensif ».

- « Notre objectif, c’est la santé des français. Mangez des produits frais français ! »

 

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