Philippe Royer, agriculteur à Saint-Aignan, dans la Sarthe « Rien ne justifie une telle violence »
Philippe Royer, 57 ans, a été tabassé le 27 août dernier pour avoir épandu du lisier.
Vous avez été violemment agressé fin août par un habitant de la commune, pour une histoire d’épandage de lisier. Pouvez-vous nous raconter comment c’est arrivé ?
Philippe Royer : Tout simplement, on venait d’envoyer notre lot de veaux le mercredi dans la nuit. Le jeudi matin, on s’est mis à épandre le lisier sur des prairies. J’avais pris soin de prévenir la mairie avant. J’avais même appelé la Chambre d’agriculture pour m’assurer que j’étais bien dans les règles au niveau du calendrier d’épandage, comme ça change tout le temps. Un habitant de la commune n’a pas arrêté de m’appeler le matin pour se plaindre des odeurs, me traiter de pollueur... Je lui ai proposé d’aller le voir chez lui en début d’après-midi pour lui expliquer les règles et nos contraintes de travail. Avant d’y aller, je suis passé à la mairie pour déposer les clés d’une salle que j’avais utilisée la veille. Et là, le gars a déboulé à la mairie, s’est mis à m’insulter et sans que j’aie pu en placer une, il s’est jeté sur moi et m’a donné des coups de poing et des coups de pied à l’abdomen et au visage. Je me suis protégé comme j’ai pu. Aucune discussion n’était possible. C’est le premier adjoint qui était dans les parages, qui est intervenu pour nous séparer. Et franchement, je le remercie parce que sans lui je ne sais pas où ça se serait arrêté. J’ai été admis aux urgences. C’est la gendarmerie qui, en venant me trouver à la maison après, a appelé une ambulance. J’avais le visage tuméfié.
Vous connaissiez votre agresseur ?
Ph. R. : Non, pas particulièrement. Je ne connais même pas son nom. Je n’ai jamais eu d’altercation avec lui auparavant. Je lui ai proposé d’aller le rencontrer parce que je pars du principe qu’on a des choses à expliquer. C’est pour ça que je voulais aller à ce rendez-vous, pour lui expliquer mon métier, pour lui montrer les règles qui nous sont imposées. Bref pour dialoguer... Refuser le dialogue, ça peut laisser entendre qu’on a des choses à se reprocher. J’avais apporté le calendrier d’épandage de la Chambre. On épandait à 500 mètres des premières maisons. J’en conviens, le lisier de veau, ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus agréable. En plus, il y avait du vent ce qui n’arrangeait rien. Mais ça ne dure pas des jours et des jours. On a des calendriers à respecter. On a un planning de production qui est très serré. Il faut bien qu’on travaille !
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Ph. R. : Je m’en sors avec des bleus et quelques contusions au niveau des côtes, mais rien de cassé. On m’a quand même mis 7 jours d’ITT.
Vous avez porté plainte ?
Ph. R. : Oui. Car c’est de la violence gratuite. Je sais qu’aujourd’hui en agriculture on a des comptes à rendre, qu’il faut plus expliquer les choses. Mais rien ne justifie une telle violence. Malheureusement, j’ai l’impression que ça devient une violence ordinaire, dans une société de plus en plus intolérante. Il ne faut pas laisser passer et j’espère sincèrement que cet individu sera condamné.
Aujourd’hui, dans quel état d’esprit êtesvous ?
Ph. R. : Sonné forcément. On n’imagine pas se faire casser la figure comme ça. Mais je n’ai pas l’intention de changer de métier. Ce métier, je l’aime et ce n’est pas ça qui va me faire baisser la tête. Je préfère aller de l’avant. Si je témoigne dans les médias aujourd’hui, c’est pour défendre notre profession, et montrer cette incohérence de se faire agresser en faisant juste son travail. Sinon comment voulez-vous que des jeunes aient envie de s’installer demain avec la peur au ventre ?