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Produits laitiers et Covid-19 : producteurs et industriels s’adaptent

Pour faire face à la crise actuelle, le Cniel recommande de diminuer la production laitière de 2 à 5 %. Petit tour des OP pour comprendre comment la réduction des volumes est mise en place, accompagnée ou non d’une baisse des prix.

© VG-Agri53

« J’ai vraiment du mal à comprendre? Les rayons sont vides de briques de lait et les industries laitières demandent aux agriculteurs de réduire la production. Quelqu’un peut m’expliquer ? » Chaque consommateur qui est allé faire ses courses dans un supermarché du département depuis le début du confinement, a pu, comme Sylvain Rousselet le 4 avril dernier, faire ce constat et s’interroger de la sorte. Cela paraît en effet assez invraisemblable de demander aux producteurs de lait de baisser la production de 2 à 5 % (recommandations du Cniel) en pleine période de pic laitier printanier et de voir des rayons insuffisamment achalandés, voire temporairement en rupture de stock. Les raisons tiennent aux mesures sanitaires liées au Covid-19 : le marché de la RDH est à l’arrêt donc la production de produits laitiers se limite à la consommation des ménages, la fermeture des écoles a imposé aux parents de rester chez eux garder leurs enfants donc des entreprises manquent de personnel, etc. Globalement la production industrielle est au ralenti. Et les producteurs doivent s’adapter. Les laiteries gèrent de manière très disparate cette période inédite. On a déjà évoqué le cas de Savencia qui a imposé unilatéralement une réduction des prix à ses producteurs en stoppant toute négociation avec son AOP Sunlait (relire Agri53 de la semaine dernière). « Nos premières discussions étaient sur une diminution des volumes, ce que nous avions déjà fait, à la même période, en 2015- 2016 », souligne Marie-Laure Bechepois, présidente de l’OP Perreault à Azé. Ensuite, Savencia a imposé une baisse du prix avec, comme base nationale 335 €/1 000 litres et un lissage économique négatif de moins 20 € « de saisonnalité » en avril et en mai, puis « moins 10 € en juin. C’est de l’irrespect complet! », insiste Marie-Laure Bechepois. Quant au lissage positif, annoncé par Savencia, la présidente de l’OP Perreault n’y croit pas : « nous ne savons pas sur quelle base se fera ce retour positif. Et vu la façon dont les discussions se sont passées, nous n’avons aucune assurance de récupérer cet argent-là. Nous avons fait une avance de trésorerie à notre client… » Pour autant, l’OP et l’Aop ne restent pas dans l’attente : « nous n’avons pas prévu de nous laisser faire et nous sommes déjà en train de travailler sur des propositions » qui seront prêtes pour les futures négociations prévues fin juin pour le troisième trimestre. Quant aux adhérents, « ils comprennent l’utilité du travail des OP. Il n’empêche que nous sommes face à un fonctionnement d’un autre temps. Oui, nous avons besoin d’un acheteur. Eux, ils ont besoin de producteurs de lait qui vivent de leur métier. »

Appel à la vigilance chez Lactalis

Pour le lait vendu à Lactalis, l’Aplbl a obtenu 328,47 €/1 000 litres de base pour avril et mai. « Un prix légèrement en baisse", commente Fabrice Deshayes, président de l’Association des producteurs de lait Lactalis Craon Fougerolles et éleveur à Désertines. Pour les volumes, « il y a un appel à la vigilance pour ne pas les faire exploser, mais sans dispositions particulières, juste un avis à moduler la collecte dans la mesure du possible. » En d’autres termes, en suivant les recommandations du Cniel. « Lactalis a la capacité de passer le pic de production. » Il s’agit du prix des deux mois avril et mai. « Pour juin, on doit faire marcher la formule sauf événement exceptionnel. On va naviguer à vue en juin, en fonction des éléments… » À noter que ce prix, pour avril et mai, est issu de la formule. « Il a été déduit l’écart entre le prix payé au T1 par Lactalis et la concurrence, comme prévu dans le contrat-cadre. »

Solidarité collective chez Agrial

Chez Agrial, le vice-président du bassin Mayenne – Ille-et-Vilaine, Hervé Malin, éleveur à La Baconnière, signale que le prix de base a été établi à 312 €/1 000 litres pour le mois de mai. « Pour juin, nous n’avons pas de visibilité. En fonction de l’évolution du marché, nous aviserons. » Il note les prémices d’une reprise du marché en Chine qui laisse entrevoir la sortie du tunnel. Notons aussi que Agrial Eurial ne dispose pas de toutes ses capacités de production. « Nous avons une usine Eurial qui a brûlé à Luçon », raconte Hervé Malin (c’était le 14 février dernier, ndlr). C’est une unité de production essentiellement de mozzarelle râpée qui absorbe « 150 millions de litres de lait par an ». Là, avec cette usine en moins, « nous sommes avec 12 millions de litres de lait en trop pour avril que cette usine aurait pu absorber ». On comprendrait alors la nécessité de baisser les volumes. Et si « idéalement, il faudrait que la production globale de la branche lait d’Agrial baisse de 5 % pour arriver à avaler le pic de production, indique Hervé Malin, on s’en tient aux recommandations du Cniel, c’est-à-dire entre 2 et 5 % de baisse. Mais nous n’imposons rien à nos coopérateurs. Nous faisons confiance à la solidarité collective et leur esprit de responsabilité ». Dans le mix-produit d’Agrial, « beaucoup de mozzarelle et de produits industriels. Là, avec la Rhd, cela s’est arrêté. Nous avons aussi 50 % d’activité en moins sur l’export ». Si Hervé Malin estime que « les Gmsfont des efforts pour vendre », elles font face à des problèmes de personnel et d’activité. « Nous avons aussi des difficultés de référencement dans les de produits destinés à la Rhd que nous pourrions vendre en Gms, comme le beurre cube ou le fromage en portion individuelle. »

Pas de changements chez Bel

Le prix de base demeure à 350 € /1 000 litres, auxquels s’ajoutent 21 € les primes pour au moins 150 jours de pâturage et une alimentation sans Ogm. « Ce maintien des 350 €/1 000 litres pour la 3e année consécutive, au vu du scénario que l’on a aujourd’hui, nous conforte dans notre position de dire que les négociations de fin d’année pour 2020 étaient quand même une bonne victoire », explique Gilles Pousse, président de l’Aop Bel. Le prix est donc maintenu, mais avec « une grille de saisonnalité pour réguler sur les mois de printemps ». Grille négociée pour l’année. « Dans la mesure où notre grille de saisonnalité est actée depuis fin 2019 pour 2020, les volumes sont gérés. Simplement l’entreprise nous a demandé de prendre note de la mesure interpro (Cniel). Mais comme c’est basé sur le volontariat, personne ne peut inciter qui que ce soit à réduire ou pas. » Avril-mai est une période où il y a toujours plus de lait, « mais Bel le gère avec ses tours de séchage. Maintenant, chez Bel, ils sont conscients que la mesure nationale prise par l’interpro peut permettre de rabattre quelques milliers de litres.» Pour autant, Gilles Pousse estime que cette mesure du Cniel, « prise le 31 mars pour le mois d’avril » arrive tardivement… « L’interpro a pris une mesure sans concerter les OP. Pour que cela ait du sens, il aurait fallu que cela soit annoncé au plus tard au 15 mars. Une vache, ce n’est pas un robinet que l’on ouvre et que l’on ferme à volonté. »

Prime d’incitation chez Sodiaal

Pour la coopérative Sodiaal, « le prix A est fixé à 315,30 €/1 000 litres avec une saisonnalité négative de 20 € comprise, et le prix B à 328,50 €/1 000 litres », signale Jean-Pierre Faucon, administrateur Sodiaal et éleveur à Mayenne. Ce sont les prix uniquement pour avril, car Sodiaal fonctionne avec une fixation des prix au mois le mois. « Nous attendons les indicateurs qui arrivent de l’interprofession le 25 pour fixer le prix du mois suivant », détaille Jean-Pierre faucon. Trois indicateurs sont pris en compte : les Pgc France, l’export Rhf et le prix beurre-poudre. « À partir de ces indicateurs, les producteurs savent, le 27 ou le 28, quel sera le prix du mois qui suit. Nous n’avons pas modifié les règles comme certains ont pu le faire de manière unilatérale. » Pour l’instant, Sodiaal encourage donc à suivre les recommandations du Cniel. « Les producteurs qui jouent le jeu ont une prime d’incitation qui les met à hauteur des 320 € », ajoute Jean-Pierre Faucon. Du côté des débouchés, « pour tout ce qui est produits de grande consommation (Pgc), grande distribution, produits basiques (lait de consommation, emmental), il y a énormément de tirage ». Sans avoir de chiffres encore officiels, JeanPierre Faucon constate, comme d’autres, « des augmentations de 30 à 40 % des ventes sur les produits grande consommation France ». Actuellement, les usines fonctionnent à plein, « malgré un effectif un peu moindre en personnel. Mais la vraie crainte de la coopérative serait qu’une usine du groupe soit à l’arrêt parce que des salariés seraient Covid ». Par contre, pour l’ensemble de la production de fromages AOP (cantal ou du Jura pour Sodiaal), « c’est catastrophique ! » Le peu d’achats par les consommateurs dans les étals à la coupe ne compense pas la perte liée à la fermeture des restaurants.

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